S’incarner dans un corps plus ou moins consentant,
Grandir pendant neuf mois sans conscience du temps
Et puis être éjecté dans un monde inconnu,
Sans avoir rien choisi, sans avoir rien voulu.
Naître dans un pays, un milieu défini,
Au sein d’une famille, au hasard du destin
Et puis apprendre un jour que tout a une fin,
Sans avoir rien voulu, sans avoir rien choisi.
Se poser cent questions, des comment, des pourquoi,
Se chercher un chemin, se tromper bien des fois,
Et puis recommencer, toujours dans le brouillard,
Prendre un train pour partir, arriver nulle part,
Rencontrer l’un et l’autre, les aimer tous les deux,
Sentir son cœur qui bat, se chauffer à ce feu ;
Mettre un enfant au monde, le laisser s’évader,
Sans avoir rien compris, sans avoir décidé.
Vieillir seul dans son coin, un peu plus chaque jour,
Avec, au fond de soi, des souvenirs d’amour,
Et mourir doucement, un matin un peu gris,
Sans avoir rien voulu, sans avoir rien compris.
Jacqueline Bernet